À l’orée du passé
Poétesse kurde, Delsoz Hama est née à Souleimania et y a passé sa jeunesse.
Après des études d’architecture à l’Université de Mossoul, elle s’est établie en 1998 aux Pays-Bas.
» J’ai été une étrangère dès l’instant où mes yeux se sont posés sur le monde et j’ai écrit dès l’instant où j’ai pu en avoir la compréhension.
Par l’écriture, je rends la vie plus belle en même temps que j’exprime et enrichis ma solitude. Elle nourrit mon âme, elle me permet de mettre au jour l’injustice et les ténèbres au milieu desquels nous errons.
Jusqu’au soulèvement de 1991, j’ai été très engagée politiquement. Depuis, j’ai pris du recul. Je suis devenue mère de trois enfants, j’ai repris des études dans le domaine de l’éducation et ai obtenu en 2019 un diplôme d’enseignante. »
Delsoz Hama n’a jamais cessé d’écrire.
Deux de ses recueils les plus connus sont :
Un automne qui m’illumine
Le seul amant
Lexique d’un cœur brisé
(Poème extrait du recueil » Le seul amant « , 2009)
L’enfance
Elle est ce que nous n’avons jamais vu, y compris de noir et de blanc
L’amitié
Elle est ce que la solitude nous laisse sur le pas de sa porte
Le pays
Jamais il ne m’a permis de rêver de lui. Ni même ne m’a permis de rêver de lui bâtir une chambre
Le poète
Il est celui dont le stylo, plus encore que la barbe hirsute de l’assassin, a coupé la tête de la poésie,
a blessé nos mains et nos pieds au moment où son tour est venu,
a nourri son imaginaire de notre tragédie, se tenant prêt, à tout moment, à se faire exploser, à détruire nos vies
La beauté
Elle est celle dont une moitié a été rongée par la guerre tandis que l’autre l’était par les rides de l’exil
L’homme oriental
Il est celui qui, parlant des seins troublés et transis de cet Orient en déroute, se montre violent, possessif et sombre.
Alors que devant les seins libres et ouverts à tous les regards de l’Occident, il est celui qui, soudain tolérant, libéral et pris de passion, se prosterne jusqu’à s’agenouiller.
Le seul amant (extraits)
Je suis de la race de l’automne
et ne suis l’ancêtre
que d’un pommierAu rêve
j’ai fait don de mon cœurA une ombre
celle d’un cavalier qui, jamais,
n’est venu
j’ai fait don de mon cœurTu as volé ce cœur
Tu l’as jeté sur le trottoir
à la sortie du cinémaA chaque sonnerie de la porte
à chaque sonnerie du téléphone
à chaque sonnerie de la vie
tu me jettes dans le doute
et me dépouilles de tout orgueilAimerais-je
que chaque sonnerie
m’annonce ta venue
Traduction : Bayan Salman et Philippe Delarbre